Cdiscount va lancer la géolocalisation temps réel de ses livreurs [Exclu LSA]
Pour tenir la dragée haute à Amazon sur le terrain crucial de la logistique, Cdiscount déploie une politique d’open innovation particulièrement active. Il est ainsi le premier e-marchand français à signer avec l'israélien Bringg pour proposer un suivi en temps réel "à la Uber" de la livraison de ses gros colis.
Flore Fauconnier
\ 10h20
Flore Fauconnier
Cdiscount est l’un des rares e-commerçants français à parvenir à rivaliser avec Amazon. En matière de logistique, l’une des grandes forces de son concurrent, il le suit pas à pas pour tenter d’égaler les nouveaux standards qu’impose l’Américain innovation après innovation. Voire, parfois, les devance. D’abord, la filiale de Casino multiplie les entrepôts (15 bâtiments à ce jour), pour accompagner sa croissance comme pour rapprocher ses stocks des acheteurs. Ainsi, il peut depuis un an livrer le soir-même dans toute l'Ile-de-France les encombrants commandés jusqu’à 15h, ce qu’Amazon ne sait pas faire. Et son programme Cdiscount à Volonté, bâti sur le modèle d’Amazon Prime, donne accès à un nombre illimité de livraisons en J+1… et de plus en plus souvent le jour-même de la commande. Cdiscount a aussi coiffé Amazon au poteau pour lancer la première offre de livraison alimentaire en moins de deux heures, en orchestrant dès la fin 2015 un ship-from-store depuis les magasins Franprix. Or pour bâtir une offre de livraison qui n’a rien à envier à celle du géant de l’e-commerce, Cdiscount travaille en co-innovation avec toute une pléiade d’acteurs.
« Nous venons de signer avec Bringg, une start-up israélienne qui propose une expérience de livraison en partie inspirée d’Uber », a ainsi annoncé Pierre-Yves Escarpit, directeur des opérations de Cdiscount, à l’occasion du forum LSA Retailtech, le 12 septembre. « Nous enverrons la veille au soir de la livraison un créneau de 2h, qui sera réduit à 1h le jour J, puis nous annoncerons un ETA. L’utilisateur pourra alors géolocaliser le livreur en temps réel, l’appeler ou chatter avec lui pendant son trajet, et enfin noter sa prestation sur cinq étoiles. » D’autres distributeurs français devraient lancer une collaboration avec Bringg en 2018 sur les petits colis. Mais profitant du fait que le transport des colis lourds et encombrants est assuré par une filiale maison (C Chez Vous), Cdiscount va employer le service sur ces grosses commandes, pour lesquelles la valeur apportée par la start-up est évidemment maximale. « Nous avons testé le service en juin-juillet à Bordeaux à raison de deux tournées par jour, précise Pierre-Yves Escarpit. 50% des acheteurs allaient suivre le livreur en temps réel et les taux de satisfactions étaient très bons. Nous avons donc décidé de le déployer à Bordeaux, Paris et Lyon d’ici un ou deux mois, puis dans nos autres grandes agences de distribution en 2018. »
Un incubateur en entrepôt
Pour étoffer encore son offre de livraison, Cdiscount est engagé dans un pilote de six mois avec Tousfacteurs, au travers de ses partenaires Mondial Relay et Relais Colis. Lorsqu’un client choisit une livraison en point de retrait, le site lui propose qu’un particulier affilié à Tousfacteurs aille récupérer son colis et le lui dépose à domicile. L’e-commerçant s’accompagne aussi de start-up plus en amont dans sa supply chain. Par exemple, il réalise actuellement un POC sur des robots préparateurs en entrepôt. « Ce sera mieux que chez Amazon, se réjouit Pierre-Yves Escarpit : les stocks seront répartis sur trois niveaux au lieu de deux et des rails automatisés présenteront les bacs à hauteur d’humain, qui n’auront plus à se déplacer. »
Les start-up sont devenues si essentielles aux opérations de l’e-commerçant qu’il lancera en octobre un incubateur supply chain, The Warehouse, qui sera installé directement dans l’un de ses cinq entrepôts bordelais, à Canéjan, par ailleurs occupé par les stocks confiés par les vendeurs marketplace à son service C Logistique, équivalent maison de Fulfillment by Amazon. « Nous allons bientôt organiser des pitchs pour choisir les cinq start-up que nous accompagnerons pendant six mois, indique Pierre-Yves Escarpit. Elles seront choisies dans le monde de la logistique pure et dans celui de la livraison. Les premières se pencheront en particulier sur la robotisation de tâches à basse valeur ajoutée et sur l’amélioration des conditions de travail des salariés, avec lesquels elles pourront travailler main dans la main. »
Démarche de co-conception
Loin de se contenter de s’approprier les innovations créées par des start-up, ses relations avec elles tiennent donc beaucoup plus de la co-conception de services. Une démarche de co-innovation qu’il adopte également avec des acteurs bien établis comme La Poste ou Relais Colis, un accord tacite lui permettant de tester le premier les innovations qu’ils ne proposeront à leurs autres clients qu’après 12 à 18 mois. C’est par exemple avec Cdiscount que Chronopost a peaufiné pendant un an son service de livraison de colis le dimanche. « Et pour dénicher et concevoir les innovations encore plus en amont, nous travaillons aussi avec des laboratoires de recherche, ajoute le directeur des opérations du site. Comme avec celui des Mines de Paris, dont un thésard regarde dans nos entrepôts tout ce qui peut être optimisé ou robotisé. »
Des drones pour doubler Amazon Prime Now ?
Mais c’est sûrement son projet de drones « Pélican » qui constitue le meilleur exemple de collaboration de Cdiscount avec une multitude d’acteurs extérieurs, puisqu’il repose sur un consortium dont font aussi partie Thalès (qui fabrique les drones militaires français employés au Proche et au Moyen-Orient), le centre de recherche aérospatiale l’Onera, le laboratoire bordelais IMS, les sociétés Air Marine, Robotics Industry et Serma Technologies, et que soutient la région Nouvelle Aquitaine. « Nous avons réalisé des tests l’hiver dernier dans un environnement simulant un milieu urbain : le CHU de Bordeaux, indique Pierre-Yves Escarpit. Et nous allons entamer des discussions avec la DGAC courant septembre. »
Cdiscount attend bien entendu l’aval du régulateur aérien pour lancer un pilote, en 2018 si tout se passe bien, mais a déjà les idées claires sur ce qu’il entend faire de ses drones. « Nous aimerions commencer par une ligne entre notre entrepôt de Cestas et un point de collecte d’un partenaire transporteur dans Bordeaux, d’où les commandes seront réinjectées dans un circuit plus classique. » Cdiscount travaille déjà sur l’idée d’un entrepôt de centre-ville où stocker une partie de son offre - les essentiels du quotidien dont on peut avoir besoin en urgence, façon Amazon Prime Now - mais il sera toujours limité en place. Les drones permettraient de compléter cet espace logistique urbain pour pouvoir livrer les clients en 1h à 1h30 depuis Cestas. Utiliser des drones pour rivaliser avec Prime Now ? Une réponse plutôt ironique du berger bordelais à la cowgirl de Seattle.
La logistique de Cdiscount
400 000 m² d’entrepôts répartis sur 15 bâtiments
550 salariés supply chain (sur 1 500 au total)
300 000 références en stock
30 millions de produits expédiés par an
Source : Cdiscount