Le succès des boissons végétales en quatre questions
Porté par la naturalité et le flexitarisme, le marché des boissons végétales est en plein essor. L’arrivée d’Alpro (Danone) et d’autres marques non bio telles que Wunda (Nestlé) change la donne et bouscule les références historiques, le plus souvent bio. LSA tente de répondre aux quatre grandes questions que suscite la montée en puissance de cette catégorie.
Sylvie Leboulenger
\ 15h29
Sylvie Leboulenger
1/ Qui remportera le match entre le bio et le conventionnel ?
Historiquement, les boissons végétales étaient toutes bio et donc naturellement référencées dans les rayons dédiés à ce mode de production ainsi que dans les réseaux spécialisés. Mais, depuis que Danone a lancé Alpro, rejoint au printemps par Wunda (Nestlé), deux gammes conventionnelles vendues à côté des laits, la croissance des boissons végétales se joue dans ce rayon à fort trafic. Une situation qui interpelle le leader du rayon bio, Bjorg (Ecotone). « La question du rayon est un vrai sujet, complexe, assure Claire Dorey, brand manager sur les boissons végétales d’Ecotone. Nous menons une réflexion pour voir s’il serait pertinent d’être dans les deux rayons (bio et lait, NDLR), sachant que les acheteurs de ces deux univers ne sont pas les mêmes. »
Rien n’est cependant perdu pour les boissons végétales AB qui représentent encore les trois quarts des ventes. « Le bio capte plus d’acheteurs que le conventionnel », remarque Romain Le Texier, directeur d’unités chez Kantar. Ainsi, Bjorg bénéficie d’un taux de pénétration de 14,7 %, contre 8,4 % pour Alpro et 26% pour l’ensemble de la catégorie (source : Kantar, origine fabricants, CAM au 21 mars 2021). Et si les boissons végétales conventionnelles, plus récentes que celles AB, sont en forte croissance, gageons que les équilibres se rétabliront et que les marques bio, à condition qu’elles communiquent sur leurs différences, resteront sur de bonnes tendances.
2/ Sur quelle protéine faut-il miser ?
« L’amande et l’avoine sont en plein boom, tandis que le soja est freiné par des campagnes accusatrices », analyse Emmanuel Vasseneix, PDG de LSDH, acteur majeur du secteur, notamment pour la production de MDD. En effet, le soja est dans la ligne de mire de certaines ONG, car il serait une cause majeure de déforestation dans certaines zones du monde. Les boissons végétales sont recherchées en priorité pour leur apport protéique, puis pour leurs vitamines et minéraux. Reste que chaque oléagineux (soja, pois), céréale (épeautre, avoine...) ou fruit à coque (amande, noisette) propose des apports nutritionnels différents. Là encore, les acteurs devront informer sur les valeurs nutritionnelles, aussi importantes que le goût pour cette catégorie.
3/ Sur quels nouveaux usages parier ?
Longtemps, les boissons végétales ont été des substituts au lait de vache ou de brebis, ce qu’apprécient les végétariens et autres flexitariens. Mais au-delà de leur consommation au petit déjeuner, ces boissons répondent aujourd’hui à de nouveaux usages. Comme la cuisine. C’est dans cette optique que Bjorg a lancé Oui au Végétal, une boisson composée de riz, soja et coco. « Son goût est assez neutre, ce qui n’est pas le cas des boissons à un seul ingrédient, détaille Claire Dorey. Elle a été conçue pour être utilisée en cuisine, ce que nous mettons en avant sur les réseaux sociaux. »
Andros, marque forte au rayon des jus de fruits frais, propose, elle, des recettes mi-jus de fruits, mi-boissons végétales, sortes de Danao végétal pour des usages de consommation multiples. De son côté, la marque Biodyne a imaginé un lait amande-matcha qu’elle suggère d’utiliser comme ingrédient de smoothies ou de pancakes. L’intention de ces acteurs ? Profiter de l’actuel engouement pour les boissons végétales, mais en les déclinant à l’attention de nouvelles destinations, comme celles de la boisson prête à boire ou de la pâtisserie.
4/ Le made in France a-t-il sa place ?
S’il est difficile de trouver de l’amande française, encore cultivée sur de trop petites surfaces, il est possible de produire des boissons végétales à partir de céréales et d’oléagineux français. C’est d’ailleurs l’une des intentions de LSDH, qui fait construire actuellement un centre d’extraction à Saint-Denis-de-l’Hôtel, dans le Loiret, pour traiter des productions françaises. « Nous souhaitons constituer un écosystème autour des boissons végétales, avec des filières agricoles locales comme nous l’avons fait avec le lait, détaille Emmanuel Vasseneix. Nous sommes en train de créer des filières « avoine » et « soja » dans la région Centre. Nous faisons des essais variétaux. » Idem avec le riz. Aujourd’hui, LSDH se fournit en Italie et en Espagne. Demain, « nous allons essayer de nous approvisionner en Camargue », espère le patron.
Danone, pour sa part, investit 16,5 millions d’euros dans son usine d’Alpro à Issenheim, dans le Haut-Rhin. Le groupe y construit une nouvelle ligne dédiée aux jus végétaux qui devrait être opérationnelle en juillet 2022. Le site, qui sort déjà 200 millions de briques par an, transforme du soja (50 % de ses volumes), dont l’approvisionnement est issu à hauteur de 80 % des exploitations agricoles locales alsaciennes. L’usine produit également des jus à base d’avoine, de riz, de coco, d’amande et de noisette. Avec plus de 234 références, cette usine approvisionne 32 pays.